Phare des Héaux de Bréhat
1834-1840
Granit de Kersanton
57 m
Feux : 3 occ. 12 s ;
3 secteurs blanc, rouge, vert ;
Optique : d’horizon, distance focale 0,50 mètre, lampe de 180 watts
Portée 15 milles (blanc), 11 milles (rouge et vert)
Automatisé en 1982
2011/05/23 : classé MH
Dans les Côtes du Nord, la Commission des phares avait préconisé la construction d’un phare de premier ordre sur les Héaux, un rocher sur lequel les hydrographes avaient pris pied pour relever les dangers des abords de Bréhat. L’ingénieur Léonce Reynaud découvre les Héaux de Bréhat pendant l’été 1834. Il prend peur devant le spectacle de « ces roches abruptes et déchiquetées et (de) la mer furieuse qui les couvre de son écume ». Les contraintes de tenue à la mer de l’ouvrage stimulent l’ambition esthétique de l’architecte. Revenu à Paris, il dessine un bâtiment composé de deux volumes : un massif, engendré par la révolution d’un arc d’ellipse sur le modèle des phares britanniques d’Eddystone et de Bell Rock, et un cylindre de construction plus légère qui place la lanterne à cinquante mètres au-dessus de la base du phare. Le premier volume de Bréhat a inspiré quatre projets de petits phares en mer du vivant de Reynaud – Les Hauts-Bancs du Nord (1854), au large de l'île de Ré, les Barges d'Olonnes (1861), la Banche (1864), à l'embouchure de la Loire, le Grand Jardin (1868), dans la baie de Saint-Malo, et deux après sa mort, Herpin (1882) construit près de Cancale, et enfin Le Grand Charpentier (1887), à l'embouchure de la Loire.
L'organisation d'un chantier à la mer est une affaire délicate qui fait fuir les entrepreneurs : le premier se noie, le second se ruine et réclamera en vain des dédommagements. Le travail s’effectue alors en régie, c'est-à-dire sous le contrôle direct des ingénieurs de l’Etat. Il s'agit de coordonner l'activité de plusieurs sites : une carrière de granit sur l'Ile Grande ; un atelier, situé dans l'anse de la Corderie, à Bréhat, où les pierres sont taillées. Elles sont ensuite chargées sur des barques pontées de 35 à 40 tonneaux qui se laissent entraîner vers le rocher par le courant du jusant. Au plus fort du chantier, une soixantaine d’ouvriers logent dans une baraque de bois, construite sur un rocher voisin, où un feu provisoire a été placé.
En 1840, le feu est allumé et immédiatement visité par des voyageurs privilégiés. Le succès du chantier rejaillit sur son ingénieur, qui écarte un concurrent sérieux, Morice de la Rue, pour prendre la direction du Service des phares. Reynaud gardera toujours un attachement particulier pour les Héaux : “La fortune vint en quelque sorte me chercher dans cette solitude, écrit-il en 1870. Aussi ai-je gardé de Bréhat le doux et cher souvenir qui s’attache aux lieux témoins des premiers succès, du premier bonheur. […] Déjà le phare montait assez haut pour que de toutes parts nous le vissions dominer l’horizon. Ma fortune avait grandi avec lui, et il me semblait que chaque assise qui s’élevait venait assurer notre avenir.”
A la mort de Reynaud, les Héaux tombe dans un relatif anonymat, dépassé en notoriété par les phares de l’Iroise. En 1902, les Phares et Balises remplacent l'optique d'origine par celle d’Armen. Quelque temps plus tard, un brûleur à vapeur de pétrole remplace la vieille lampe à mèches multiples. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les Allemands font exploser la lanterne et la chambre de veille. La tour est reconstruite à l’identique, mais elle conserve les stigmates de cette décapitation. En 1979, le phare est électrifié et ses derniers gardiens le quittent le 9 juillet 1982.
Cote : ENPC PH 658 G.1
Cote : ENPC PH 658 G.3
École nationale des ponts et chaussées